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Retranscription du Tuyau, numéro 16, page 3 (28 octobre 1915)

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Propos d'un prisonnier
Les Ratiers

Il y avait une fois à la 6e Cie un enchanteur que ses exploits rendirent bientôt célèbre. Aux sons d'une flûte de saindoux il attirait à lui la gent rongeuse du Karz et la massacrait. Un vieux rat blanc qu'il avait réduit en servitude le suivait d'ordinaire: sur son dos on voyait tatoué un énorme B tout noir.
Emerveillées les autorités d'alors offrirent au maître de former des disciples et c'est ainsi que des hommes rats sont nés.
Au 1er Camp la charge est aux mains de deux sympathiques poilus du 129, variété appréciée et rarissime de la famille des gefangene. Philosophes revenus de bien des choses ayant pénétré aux Arbeits-commandos lointains de toute la vanité de l'agitation humaine, ils goûtent paisiblement les douceurs de leur présent sacerdoce. Dans le brouillard du matin, vous les voyez errer le long des baraques grisâtres. D'un oeil exercé ils interrogent le sol, relevant la moindre empreinte, interrogeant les trous les plus profonds, puis regagnent la paillasse où ils goûteront tout le jour un repos justement gagné.
Ils reparaissent au crépuscule porteurs de leurs instruments de morts. Collets menus, pièges artificieux et vous "quatrenchiffres" sinistres, qu'on croirait échappés de quelque musée secret de l'Inquisition d'Espagne.
Tels dans l'ombre et le silence, dédaigneux de la gloire et des richesses, les hommes rats travaillent sans relâche au bonheur de leurs frères de captivité. Vous surtout, amis chers, qui goûtez peu les charmes d'une société exclusivement masculine, aimez-les: ce sont nos sauveurs. Car ce n'est pas, vous le savez, quelques fils barbelés qui ont suffi à nous mettre au ban de la plus belle moitié de l'humanité. Les vrais coupables ce sont les rats. Rappelez-vous donc les émois de vos blondes amies à la vue de la plus petite souris et concluez! Vous voudriez.... Grands Dieux, tuez d'abord les rats.
Sois donc béni, ratier, ô toi qui nous rendras l'amour. Puissent les Liebesgaben te couvrir de chocolat et de conserves, et puisse "Le Tuyau" où je chante ta jeune gloire te donner l'immortalité réservée aux bienfaiteurs des hommes.

H.Saussier

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Les faits de la semaine (17-24 Oct-1915)

Ie La Guerre.
1e Front Balkanique. En Serbie les progrès des Impériaux et des Bulgares continuent. Les Allemands qui avancent du Nord au Sud, étaient arrivés le 24 à Palanka c'est-à-dire à 30km environ au Sud de Belgrade. Les Bulgares qui attaquent de l'est à l'ouest occupaient à la même date le front suivant: Négotin, vallée du Tincok, Pirot, Vranya, Kumanows, Velis, Vallée du Wardar, aux dernières nouvelles ils s'étaient emparés d'Uskub. 2e Front Occidental. Les communiqués des alliés ont été plus explicites cette semaine en ce qui concerne les opérations sur ce front, que les communiqués allemands. Les allemands ont annoncé le 17 Octobre qu'ils avaient de leur plein gré et conformément à leurs plans évacué sur l'HartmammswillerKoff les tranchées dont ils s'étaient emparés la veille pour améliorer leurs positions. Le 20 ils ont fait savoir qu'une reconnaissance offensive, au Nord-Est de Prunay près de Reims, avait mis entre leurs mains 368 prisonniers. Les autres jours, l'Etat-Major impérial s'est borné à publier cette note laconique: "Il ne s'est rien passé d'important sur le front occidental. En réalité la semaine, sans avoir été très mouvementée, semble l'avoir été davantage que ne l'indique l'Etat-Major


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