précédent

Voir le journal en version originale.

séparation

Retranscription du Tuyau, numéro 17, page 8 (4 novembre 1915)

séparation

qu'on le tenait à Bourges.
Et voici qu'en un clin d'oeil, dans tout le département, le bruit se répand qu'un fonctionnaire a été arrêté pour espionnage, puis relâché!
Mais pourquoi relâché? Evidemment parce qu'il est franc-maçon.
Le préfet s'émeut. Il télégraphie au sous-préfet, prescrit une enquête, exige des renseignements d'urgence. Et, tandis que l'enquête se poursuit, le pauvre inspecteur, navré, n'ose plus sortir de chez lui, ce qui fait que tout le monde dit,
- Il ne sort plus. Donc il est coupable.
Le malheureux reçoit la visite de son chef hiérarchique, et, les larmes aux yeux, gémit.
- C'est fou, ce qui m'arrive, gémit-il. Les gens sont montés contre moi. Non seulement, on m'accuse d'espionnage, mais, au grand café du chef-lieu, on affirme que j'ai été fusillé. On rapporte même mes dernières paroles:
- "Vous me fusillez? C'est bien! Je l'ai mérité."
Depuis cette aventure le pauvre inspecteur a maigri de vingt-deux kilos.
Cri-Cri

séparation

Pélerinage au Cimetière

Mardi dernier, jour des morts, par une délicieuse après-midi de printemps égarée en Automne, dans la clarté daphane d'un soleil d'arrière saison, 32 prisonniers français et russes se sont rendus au cimetière de Quedlinburg, déposer sur les tombes de leurs camarades défunts, les couronnes du souvenir.
Simple, bien ordonnée, minutieusement réglée en ses moindres détails, la cérémonie fut infiniment émouvante et ceux à qui il fut donné d'y assister en conserveront longtemps le souvenir attendi.
Devant les 118 petits tertres surmontés de croix catholiques et orthodoxes où dorment côte à côte pour l'éternité nos camarades Mr l'abbé Robillard, d'une voix bien assurée d'abord, mais bientôt tremblante d'émotion, lut un discours d'une très belle tenue littéraire et d'une haute élévation de pensée. La place me manque pour en donner un compre rendu même succinct, qu'il me suffise de dire que lorsque Robillard, à la fin de sa ?, adressa à nos camarade le suprême adieu, il y avait au bout des cils de la plupart d'entre nous de grosses larmes qui se détachaient une à une et tombaient en gouttes de rosée sur les fleurs que nous avions en mains!
Il y eut ensuite un court service religieux, des prières, des chants!
Le pope russe parla à son tour, longuement! Nous entendîmes de fort beaux hymnes et chacun de nous remarqua la voix bien timbrée, chaude et souple d'un des médecins russes qui accompagnait le pasteur orthodoxe.
Nous déposâmes ensuite nos couronnes sur chacune des 118 tombes, nous pûmes alors remarquer avec quel soin elles étaient entretenues, sous le lierre aux capricieuses sinuosités qui les recouvrait toutes, la terre était fraîchement ratissé et l'on n'aurait pu y découvrir le moindre brin d'herbe.
Le protocole de la cérémonie fut réglé par Mr le lieutenant commandant la 2e Compagnie, il fit preuve en cette circonstance de beaucoup de tact et de courtoisie.
La présence de Mr le Médecin-Chef fut beaucoup remarquée dans l'assistance, nous avons été très sensibles à l'hommage qu'il est venu rendre à la mémoire de ceux qu'il a soignés avec tant de dévouement.
Quand nous rentrâmes au Camp, le soleil avait disparu derrière la montagne, et au ciel, des nuages légers comme des voiles de crêpe tamisaient une lumière grise.

séparation

Les Maîtres français et la Guerre

Malgré la guerre qui a rendu la vie plus difficile et fait l'argent plus rare, le taux des oeuvres d'art se maintient d'une façon plutôt ferme. Dans une vente qui vient d'avoir lieu à Francfort s/Le Mein, un certain nombre de pièces de maîtres français ont atteint des prix qu'elles n'auraient pas dépassés en temps de paix. Une esquisse à la plume d'Auguste Rodin est montée au-delà de 1000 Marks l'abside de Notre-Dame de Paris de Meryon fût poussée jusqu'à 2150 Marks, un dessin à la plume de Millet atteignit 1000 Marks, quelques lithographies de Gavarni furent acquises à un bon prix par un grand musée allemand!
Réjouissons-nous, le bon goût survivra à la guerre.


précédent

Voir le journal en version originale.

séparation