précédent

Voir le journal en version originale.

séparation

Retranscription du Tuyau, numéro 18, page 3 (11 novembre 1915)

séparation

A la table d'honneur un monsieur très décoré venait d'expédier à la tête du garçon, le contenu de son verre, obsédé par une idée fixe, il prétendait que l'on avait fait insulte à son patriotisme en lui servant du vin du Rhin pour du Bordeaux!
L'heure des toasts était venue, un orateur tenta de se faire entendre, mais au même moment les débris du 18e battirent une charge furieuse, quelques verre de cristal furent victimes de cette ardeur guerrière, et l'orateur dû replier son papier. C'était à devenir fou! Ma voisine qui jusque là était restée muette se tourna vers mois: "Quel triste spectacle Monsieur, quel triste spectacle !! Comme la plupart des gens que vous voyez ici, me dit-elle, mon mari est devenu fou à la suite d'une captivité prolongée, il est mort l'en dernier après 10 ans d'internement à Ste Anne. Je lui ai promis avant sa mort de venir prendre sa place tant que je vivrai à ce banquet anniversaire. La dame pousse un profond soupir.- On ne saura jamais assez, Monsieur, ce que les femmes ont souffert dans cette maudite guerre, je ne parle pas seulement des veuves, mais des autres, celles qui, comme moi, pendant de longues années ont eu leur mari entre des fils de fer. Mon pauvre époux qui était jadis doux comme un mouton, donna dès son retour des signes d'aliénation, il était aigri, agressif, à peine revenu il transforma notre salle à manger en un arsenal. Il apprit un jour qu'un embusqué avait habité pendant six mois sur notre pallier, il me fit alors des scènes de jalousies épouvantables. Il tirait fréquemment un petit carnet de sa poche puis de but en blanc me posait des questions dans le goût de celle-ci: Que faisiez-vous, Madame, à la date du lundi 7 Nov. 1915 - Je n'avais, vous le pensez bien, pas consigné l'emploi de mon temps, lui s'emportait, faisait les suppositions les plus honteuses! - Vous me trompiez avec votre embusqué, s'écriait-il, tandis que moi, ainsi qu'en fait foi le carnet de notes sur lequel je relevais mes impressions au jour le jour, à la date du 8 Nov. 1915 j'étais effondré sur ma paillasse essayant de remonter mon moral affaibli par le souvenir de notre amour. Sur la fin sa folie avait pris un caractère plus aigu, je vécus de véritables années de martyr. Notre malheureuse bonne elle-même n'échappa à sa tyrannie. Il l'avait obligée à chaque fois qu'il sortait du "buen retiro" un morceau de savon noir au bout d'une spatule. Un jour qu'elle était occupée ? et oublia son service il la fit, par sadisme, mettre entièrement nue et la ficela après le tuyau de la cuisinière, c'est à la suite de ce dernier exploit que je le fis enfermer.
Je sortis du banquet à demi-fou moi-même, où allai-je ensuite? Je n'en sais trop rien, toujours est-il que j'étais sur les quais à rechercher dans les caisses des bouquinistes, la rarissime collection du "Tuyau" lorsque je fus tiré de mon sommeil par une désagréable sensation de froid. Je venais de recevoir sur la tête un quart d'eau glacée!
En vérité il était temps.
J.Monjour

séparation

Variétés

A la dernière séance de l'Académie des sciences on a exposé un procédé très simple qui permet de garder longtemps le pain sans qu'il se gâte ou se dessèche. Ce procédé peut surtout servir pour la fabrication du pain destiné aux prisonniers de guerre. On prépare la farine comme d'habitude, mais on prolonge la cuisson au-delà des limites normales, pour obtenir une stérilisation plus complète, quand le pain sort du four, on l'enveloppe encore chaud dans deux feuilles de papier ou mieux de parchemin. Lorsque la température du four est descendue à 120 ou 130° on enfourne à nouveau les pains ainsi enveloppés et on les laisse refroidir et ils sont alors bons à expédier. On obtient ainsi une sorte de conserve de pain, dont l'enveloppe, elle-même stérilisée, arrête les germes de corruption, tout en gardant au pain sa fraîcheur initiale.


précédent

Voir le journal en version originale.

séparation