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Retranscription du Tuyau, numéro 30, page 2 (17 février 1916)

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Au théâtre Larché

Du temple orné partout de festons magnifiques
Le peuple saint, en foule, inondait les portiques
(Racine - Athalie)

Ainsi se pressait en vagues compactes le peuple farouchement saint qu'on fait de nous les circonstances vers le nouveau temple où l'on sacrifiait dimanche à Thalie. Les festons étaient à l'intérieur comme il convient en un jour d'inauguration et semblaient d'ailleurs prolonger jusque dans la salle le décor de fête populaire et champêtre où nous fait pénétrer, le 1er acte de Blanche Caline, car c'est sous l'égide de la charmante petite héroïne dont en trois actes d'une touchante délicatesse Mr Pierre Frondaie nous a tracé l'original caractère, que Mr Camille Larché, aussi hardi metteur en scène que consommé comédien, a placé les destinées de son théâtre, ce en quoi il semble avoir été bien inspiré, puisque, telle la grande ville, Blanche Caline, vogue mais ne chavire pas. On ne saurait en dire autant de son veule petit ami qui vogue aussi mais continuera sans doute toute sa vie à pêcher en eau trouble.
Devant ce piètre rival, déchu par paresse et contraint par la misère, l'ami riche et indépendant, l'homme à principe, sorte de Don Juan repenti, peut être sincère peut être simplement en quête d'un caprice inédit peut jouer avec aisance les rédempteurs et s'aviser le plus aimable concurrent des oeuvres de protection ou de relèvement moral de la jeune fille. Il cueille la petite Caline avec beaucoup plus d'aménité que n'en mettent généralement les vieilles dames mûres et enrubannées qui guettent dans les gares les âmes désemparées.
En des décors brossés de main de maître par MM Desparains Jaéglé Dutilleux ce petit drame à trois, le grand ami, la petite amie et le petit ami, quelquefois scabreux mais jamais immoral a permis une fois de plus à M Mr Larché, Roux et Lebailleur de se montrer artistes consciencieux et expérimentés. Il était surtout curieux de voir comme Mr Roux, sur qui repose la tâche délicate de figurer les jeunes premières se tirerait d'un rôle qui ne vaut que par son caractère essentiellement féminin. Il convient de dire à son honneur que vainquant son sexe, il a su saisir et rendre ce mélange de légèreté, d'ingénusité de confiance et d'abandon qui fait de Blanche Caline une des figures les plus attachantes qui aient été mises au théâtre.
Immédiatement après le second acte, un à propos en vers, aussi utile qu'agréable, du à la plume alerte de notre distingué collaborateur Vacherot et nous nous faisons un plaisir de reproduire ci-après sût toucher les coeurs et fit s'ouvrir les bourses.
Et lorsqu'avec cette spontanéité et cette désinvolture qui caractérisent ses actes, Blanche Caline sauta de la scène dans la salle, elle y recueillit, en même temps que d'unanimes suffrages, les sonnantes et trébuchantes espèces, qui ont toujours eu le privilège de faire sourire et d'éloigner tous les "Messieurs Loyal" de la terre.
G.J.

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A propos en vers composé par Mr L. Vacherot, à l'occasion de l'ouverture du "Théâtre Larché"
Le Directeur (aux spectateurs)
Vous ne l'avez pas vu, Messieurs?
Un spectateur
Qui? le souffleur?
Le Directeur
Il est là, dans son trou, à son poste d'honneur.
Le spectateur
Le machiniste en chef?
Le Directeur
Il est dans les coulisses,
Du grand décor tournant, surveillant les éclisses.
Le spectateur
L'Auteur?
Le Directeur
Assurément, il devrait être là
Mais un rhume, dirais-je imprévu? l'en priva


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