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Retranscription du Tuyau, numéro 4, page 7 (5 août 1915)

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Chronique sportive
Amis, soyons forts!

Alors qu'en une des luttes les plus graves et les plus meurtrières qu'ait jamais enregistrées l'histoire, la France perd chaque jour un peu plus de ce sang qui fait la vie des peuples comme il fait celle des individus, il semble qu'une des taches les plus nobles qui nous soient imposées, à nous les "rescapés", soit de réparer l'avenir et de nous employer à bâtir sur les ruines mêmes amoncelées une race plus saine et plus forte que jamais.
Nous n'avons plus la prétention d'examiner en détail toutes les façons par lesquelles on peut arriver à développer et embellir l'espèce, il en est de physiologiques et de morales qui ne rentrent pas dans le cadre d'une étude purement sportive, nous n'envisagerons donc ici que les moyens de regénérescence physique et choisiront ecnore parmi ceux-ci celui qui par sa simplicité même convient à tous les individus à quelque classe de la société qu'ils appartiennent et quelque soit d'ailleurs, le peu de temps qu'ils puissent journellement lui consacrer. Nous voulons parler de la "Culture physique".
Certes, l'idée n'est pas neuve, reçue d'abord avec assez de froideur, elle s'est peu à peu implantée chez nous et depuis six ou sept années surtout, le nombre de ses adeptes a crû dans une remarquable proportion. La guerre, en sollicitant ailleurs efforts et volontés, à forcément interrompu cette brillante carrière, mais elle ne l'a pas brisée, et nous croyons que l'éducation du muscle, qui a fait ses preuves, reprendra une vitalité d'autant plus rapide qu'elle apparaît, pour ceux qui auront combattu et souffert, comme un des meilleurs remèdes à leur épuisement en même temps qu'elle se présente pour les jeunes générations comme la base la plus solide sur laquelle puissent s'édifier la force et la beauté auxquelles nous devons aspirer à les voir atteindre.
Mais avant de dévoiler les mystères de la méthode, il nous faut combattre certains préjugés et essayer de démontrer la vanité de tous les arguments à l'aide desquels on nie généralement son efficacité. Parmi l'immense phalange de ceux qui méconnaissent ou dédaignent ce sain exercice, nous ne distinguerons que trois catégories, les occupés; les j'men fichistes et les résignés.
La grande excuse invoquée par les occupés est de n'avoir soi-disant par le temps. Or, si parmis les ouvriers à la ville comme à la campagne, beaucoup de par l'objet même de leurs travaux, font naturellement de la culture physique et peuvent à bon droit se dispenser de tout entraînement supplémentaire, il n'en est pas de même de l'employé ! Et dans ce mot employé, nous visons tous les grades depuis le haut dignitaire qui mollement assis dans un fauteuil capitonné, préside quelques heures par semaine aux destinés de sociétés aussi multiples que variées jusqu'au simple gratte-papier qui perché sur un tabouret et courbé sur la table vous fait des états du matin au soir en rêvant d'un confortable rond de cuir. A ceux-là que leur profession oblige à des positions plus ou moins esthétiques et souvent anormales, les perpétuellement assis, les perpétuellements courbés et les toujours enfermés, quelques minutes par jour d'entraînement physique, le temps qu'ils mettent par exemple à prendre l'apéritif, corrigeraient heureusement l'embonpoint et autres déformations dont à la longue leur habituelle position est suceptible de les affliger.
Nous ne dirons rien des professions libérales dont l'exercice ne saurait vraisemblablement exclure celui des muscles.
les j'men fichistes ont au moins la franchise de se déclarer tels qu'ils sont. Pourvu que leurs cheveux frisent et que leur ventre ne fasse pas trop de plis, ils se déclarent satisfaits et ne cherchent nullement à améliorer une anatomie que la nature ne leur a pourtant pas toujours livrée sans défaut. Pour la plupart d'ailleurs le tailleur est un auxiliaire complaisant qui leur fera du muscle à force de crins. Bien portants en général, insouciants laissant dir et laissant faire, les j'men fichistes ne sont pas cependant des rebutés et écoutent assez volontiers la voix de la raison quand celle-ci saint en outre flatter leur amour-propre ou leur vanité.
Bien plus rebelles sont les résignés parce qu'en quelque sort fatalistes. Les résignés sont généralement les disgraciés de la nature ou plutôt ceux qui se croient tels, puisqu'un des grands avantages de la méthode que nous voulons préconiser est justement de corriger par un entraînement raisonné des muscles ce que la structure humaine peut avoir de défectueux. Si au lieu de s'en remettre bonassement, sous prétexte qu'il n'y a rien à faire, à cette nature même qui les a si mal partagés, ceux que Gavroche appelle les "tout-plats" ou les "soufflés" avaient un jour la volonté de soumettre leur personne aux mouvements essentiels d'une gymnastique dont la simplicité même les étonnerait, ils y trouveraient certainement un remède à leurs maux, plus efficace et moins dangereux que les confitures de bonne-mère, les pilules du diable ou les tisanes javanaises.
(A suivre)
G.G.J.


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