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Retranscription du Tuyau, numéro 13, page 3 (7 octobre 1915)

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se garder de tout emballement. Que nous ayons en deux jours pris 25 k. de tranchées allemandes et fait plus de 23 000 prisonnier, c'est un succès qui promet sans doute. Mais attendons pour nous réjouir bruyamment que le Nord de la France, la Belgique et la Pologne soient délivrés. C'est à peu près en ces termes que s'exprime dans le Journal le Sénateur Humbert, qui semble bien refléter l'opinion générale. C'est d'ailleurs la sagesse même (Berline Tageblatt 1er Oct).
2°Front oriental - Semaine peu intéressante sur le front oriental. On se bat sans avantage marqué de part ni d'autre, sur la rive gauche de la Duma, particulièrement devant Punaburg, dans la région des lacs, à mi-distance entre Wilna et Minsk, sur le front Sonorgan-Wischnew. Il n'est plus question d'un encerclement de l'armée de Wilna. L'état-major allemand semble l'avoir compris puisque dans le communiqué du 28 le général Eichorn donne le décompte des prisonniers faits sous Wilna comme si pour lui l'opération était close. On se bat encore le long de la Bérésina, de glorieuse mémoire, sur le front qui va du confluent de la Bérésina et du Niemen jusqu'à Barranowistchi, plus au sud enfin en Wolhynie, où les troupes autrichiennes renforcées par l'aile droite de Mackensen (armée de Linsigen) ont refoulé les Russes au-delà du Styx, du Hamin et de la Putibonka et réoccupé Luck, une des forteresses du triangle wolkynien. En Galicie les Russes dominent touours nettement leurs adversaires et les maintiennent sans effort sur les bords de la Strypa.
II La Diplomatie- On fut, je suppose, assez désagréablement affecté dans les milieux de la Quadruple Entente, lorsque, après avoir appris le 20 septembre que les canons allemands avait attaqué Simendria sur le Danube, en aval de Belgrade, on sut que le 21 les Bulgares mobilisaient. La coïncidence ne pouvait être fortuite. Et il sembla que l'on allait assister à une pièce nouvelle, machinée et réglée à l'avance par la diplomatie des Puissances centrales. Les principaux actes en devaient être l'invasion simultanée de la Serbie au Nord par les Bulgardes et les Impériaux, la marche des troupes austro-allemandes vers Constantinople par la vallée du Danube et la Bulgarie, l'anéantissement de l'armée alliée des Dardanelles. En réalité les évènements ne se sont pas précipités autant qu'on pouvait le craindre.
Et d'abord l'Autriche et l'Allemagne n'ont pas poursuivi, n'ont pas commencé, devrions-nous dire plus exactement, leur offensive contre la Serbie.
La Bulgarie mobilise, sans doute. Elle a appelé sous les armes 26 classes (250 000 h.) dont le commandement a été confié au prince Boris, c'est-à-dire en réalité au roi Ferdinant lui-même. Les jeunes gens de la classe 1916 passent la révision. Des nominations ont été faites. Le général Zostow est devenu chef d'Etat-Major général, le général Bgodjew a pris le commandemant des troupes rassemblées à la frontière serbe. Mais enfin la mobilisation bulgare qui devait durer sept jours est finie depuis le 28 et la Bulgarie ne bouge pas. D'où l'on arrive a cette conclusion que peut-être les pessimistes avaient-ils pris un peu vite l'alarme.
Comment s'expliquent ces hésitations de la Bulgarie? Nul doute d'abord que les Bulgares ne détestent cordialement les Serbes. On connaît l'histoire fameuse: Dieu le père demande à un Bulgare "Fais un voeu, je l'exaucerai. Mais ton voisin le Serbe aura le double de ce que tu recevras." Et le Bulgare de s'exclamer: "Alors, arrache-moi un oeil!" Mais si les Bulgares n'aiment pas les Serbes, s'ils convoitent la Macédoine que ceux-ci détiennent, ils gardent un respect instinctif pour la Russie qui est la grande protectrice des peuples slaves à laquelle ils doivent leur existence nationale. Or attaquer la Serbie, c'est attaquer la Russie.
D'autre part attaquer la Serbie, c'est inquiéter la Grèce qu'un traité d'alliance lie au peuple serbe et qui peut craindre si les clauses du traité de Bucarest sont remises en question, qu'après avoir repris la Macédoine, les Bulgares n'essaient de prendre Salonique et Kavalla. Or, que les Grecs ne soient pas disposés à se laisser persuader que la Bulgarie agrandie serait pour eux un voisin inoffensif, leur mobilisation suivant à quelques 24 heures la mobilisation bulgare le prouve jusqu'à l'évidence.
Enfin il n'est pas possible d'attaquer la Serbie sans se brouiller du même coup avec la France et l'Angleterre. Celles-ci, autre l'intérêt qu'elles ont à ne pas laisser anéantir leur allié serbe, à ne pas voir les Allemands à Constantinople ne peuvent actuellement communiquer avec la Russie que par la voie ferrée de Salonique à Nitch. Si la Macédoine est occupée par les Bulagres et par les Bulgares alliés de l'Allemagne, la Russie est bloquée, puisque selon toute apparence la neutralité suédoise ne nous est pas très favorable. On comprend alois pourquoi l'Entente a mis la Bulgarie en demeure de démobiliser, pourquoi elle multiplie ses efforts auprès de la Grèce afin de la déterminer à intervenir, le cas échéant en faveur de la Serbie, pourquoi enfin elle projette de débarquer à Salonique une armée de 150 000 h. destinée à occuper la ligne de Salonique à Nitch. C'est pour toutes ces raisons, je suppose, que le tzar Ferdinand hésite avant de sauter le pas, et de se lancer avec pays dans l'inconnu. Peut-être d'ailleurs n'hésitera-t-il plus longtemps.
Divers. Un vaisseau de guerre le Benedetti brin de la marine italienne a sauté.
L. Calvet


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