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Retranscription du Tuyau, numéro 9, page 3 (4 janvier 1917)

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Echos

Le 1er Janvier et la Révolution française
La Révolution française qui fit disparaître tant de vestiges du passé, s'attaqua aussi à la Fête du 1er Janvier. Dès 1789 un publiciste, La Bletterie, en avait réclamé la suppression. "Le public, disait-il, ne lassera donc jamais de cet acte de servitude, de ces compliments bien plats, fausses démonstrations de l'amitié, périodique et frivole cliquetis de joues, fatigantes et avilissantes courbettes." Le roi vivait encore, le public qui n'avais eu le temps de s'habituer au nouvel ordre de choses fit la sourde oreille. Et la Bletterie en fut pour ses frais d'éloquence.
Mais dès que la République fut proclamée, l'antique coutume s'en alla retrouver les cendres de la royauté, et au dire d'un chroniqueur de l'époque "bonjour, bon an fut un souhait que les citoyens vertueux n'osèrent plus faire pendant bien longtemps". On défendit, sous peine des plus graves châtiments, de se réunir ce jour-là, de s'écrire, et l'inquisition gouvernementale allât jusqu'à faire décacheter les lettres mises à la poste aux abords de la date. Chaque individu arborait une étiquette de patriotisme au 1er Vendémiaire ou une pancarte d'aristocrate au 1er Janvier.
C'est en l'an V seulement, après la réaction Thermidorienne, que le public avec l'assentiment tacite des autorités, revint à ses vieilles habitudes. Le 1er Janvier 1797 - en langage révolutionnaire 12 Nivose an V - fut fêté comme l'était au temps du feu roi Louis XVI. Les boutiques de nouveauté, disent les gazettes, étaient toutes ouvertes, quelques-unes même fort brillantes. On commença à se souhaiter bonheur et prospérité, et un cieux rentier forcé de garder le lit, faute de bois pour se chauffer écrivait à sa nièce
Pour vos étrennes, ma nièce,
Jadis je vous aurais donné,
Un bonnet à la duchesse
D'une fine dentelle orné.
Mais vous savez bien, ma fille,
Qu'un rentier de cette ville,
En dépenses est limité
Car il ne nous est resté
Pour tout bien entre Cent mille
Qu'un bonnet de liberté.
Le brave homme parlait bien légèrement du bonnet de la Liberté. Je gage que plus d'un d'entre nous ne demanderait qu'à le coiffer!

Les Moustaches
Voici une petite anecdote charmante, qu'on retrouvera, peut-être, dans Cent ans, dans les almanachs, et qui fournirait le prélude d'une bien jolie opérette. Et elle est authentique - ce qui la distingue de beaucoup d'anecdotes. Et elle est d'hier - ce qui lui fait encore une originalité.
Sur les boulevards, et tout près de l'Opéra, il y a un coquet magasin où l'on vend des bibelots variés au profit d'une oeuvre chère à l'auteur de Louise et de Julien. Disons, pour être discrets que cette oeuvre porte le titre du "Pompon de Jenny l'Ouvrière". En réalité le titre est à peu près celui-là!
Donc à la vitrine de ce magasin, de nombreux objets sont exposés. Et notamment, ces temps derniers, il y avait le portrait d'un général - portrait publié en hors texte par un grand périodique illustré et gracieusement encadré. C'était, songez-vous parbleu: le portrait du général Joffre!
Non! Erreur! Ni celui du général de C.st.ln.u; ni celui du général P.t.in, ni celui du général S.rr.il.
C'était le portrait d'un général qui de fort belles moustaches et qui a aussi de brillants états de service, puisqu'il commanda une armée au front, fut cité deux fois à l'ordre du jour, et qui occupe maintenant un poste moins périlleux sans doute, mais considérable et particulièrement en vue.
Or, l'autre jour, un Monsieur portant beau, élégant, sanglé dans un pardessus à taille, pénétra dans le gentil magasin de Jenny L'Ouvrière.
Le Monsieur salua et dit à une vendeuse
- Vous avez là le portrait du général D...?
- Mais parfaitement! s'empressa la vendeuse... C'est quinze francs cinquante, Monsieur, tout encadré. Il est superbe. Ce n'est pas cher.
Le Monsieur eut un vague sourire
- Il est superbe, je veux bien, fit-il. Mais il n'est pas ressemblant.
- Ah!
- Mais non! mais non! Tenez Mademoiselle, je vais vous montrer... Vous voyez n'est-ce pas? Sur ce portrait le général D... a les moustaches blanches?
- Oui, Monsieur, fit la vendeuse.
- Eh bien, Mademoiselle, regardez-moi? Je suis le général D... Est-ce que j'ai les moustaches blanches?
La petite demoiselle devint écarlate et bégaya:

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