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Retranscription du Tuyau, numéro 8, page 6 (2 septembre 1915)

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Nous avons bien regretté que l'archiviste n'ait pas apporté les partitions de la fameuse "Marche des Poilus", heureux les rares qui se promenaient ce soir avant 9 heures le long des fils, car ceux-là ont eu la bonne surprise d'en entendre l'audition, le vent nous en apportant les échos.
Enfin, constatons qu'à la Cie les efforts du Groupe Musical du 1er Camp sont admirés par tous et les leçons ne sont pas restées sans effets, au grand bonheur des locataires de la baraque 14B qui ont vu sortir de terre comme par enchantement trois violons et trois mandolines.
Bref, remercions encore une fois ces Messieurs du Groupe Musical pour leurs amabilités et soyons patients, nous les reverrons bientôt.
E.Payelle

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Notes Musicale

Lundi 23 - J'ai eu le plaisir d'entendre hier au 2e camp le programme de la semaine précédente. Malheureusement Werther avait été supprimé. L'ensemble du concert a été bon, mais sans entrain, ce défaut causé surtout par Mr Chatenet qui semblait en souffrance ou indifférent à son concert.
Une heure et demie après nos artistes se sont réunis courageusement pour l'exécution d'un autre concert au 1er camp. Programme nouveau. Le Groupe Musical a reconnu que comme prisonniers nous avions un besoin continuel de sensations nouvelles. Tous nous devons préférer des concerts non au point, mais variés, à l'exécution des programmes revenant régulièrement toutes les trois ou quatre semaines! Nous subissons assez les conséquences de la monotonie sans la chercher dans nos propores discrations. A une petite marche d'ouverture succédait la Suite Gaie de Gabriel Marie. Je préfère ce compositeur dans d'autres de ses oeuvres. Le n°3 "Idylle" est délicieux. Mr Lebas qui l'a joué a plus de goût pour la phase mélodique que pour le style nerveux dans lequel il joue trop fort et avec lourdeur. Dans le n°1 des accords assez inattendus et intéressants. Les n°2 et 4 sont quelconques. La 2e Valse de A.Durant termina la 1ère partir avec brio. Mr Buret a de la virtuosité, mais souvent il oublie de faire chanter son violon.
Le Menuet de Tanguay a le charme délicat, poudré exquis de la musique ancienne, malheureusement la formation de l'orchestre ne convient pas pour l'exécution de ce menuet à Quedlinburg. C'est regrettable, il est si joli.
L'audition de deux romances de Mendelssohn m'a fait plaisir. Dans le moment troublé que le monde traverse, la musique simple, calme, sereine, sans passion est celle d'un homme qui fut toujours heureux, qui ne connut ni les grands malheurs, ni les douleurs, cette musique repose l'esprit, calme l'âme tumultueuse, c'est un remède bienfaisant qui endolorit, qui fait oublier. Si je fais voeux que nous continuions à ne pas entendre les mêmes programmes, je souhaite qu'on nous joue de nouveau ces délicieuses romances, dont les phrases sont un baume, versé sur nos coeurs d'exilés. Les deux romances exécutées sont la Chanson du Printemps trop connue et souvent mal interprétée et l'allegro non troppo en mi bémol, une des plus belles et celle que je préfère de toutes. Pour finir un Rondo Espagnol de J.Cassado qui a permis de nouveau à Mr Le Bas de se distinguer dans son genre de prédilection. Le tambour de basque et les pezziccatto imitant les guitares seuls, évoquaient l'espagne.
Mardi 24 - Au concert de l'hopital la fantaisie sur Werther était au programme. Elle n'a jamais été si bien exécutée. Je me permets pour finir, un mot qui n'est peut-être pas de mon ressort. J'apprends que les musiciens vont en corvée chaque matin et l'après-midi tous les quatre jours. Ces travaux ne disposent pas précisement à la musique. L'effort qu'ils fournissent en préparant leurs concerts fréquents et variés est au-dessus de tout éloge. Leur dévouement et leur talent ne méritent que des compliments. Je suis certainement sans les consulter, l'interprète de tous les auditeurs.
Intérim
Dimanche 29. Hier soir, l'orchestre du 1er camp a joué quelques morceaux gais. La presse n'était pas invitée. Il paraît que les musiciens s'amusèrent beaucoup. Certains d'entre eux se firent entendre comme solistes, de façon inattendue et malencontreuse. Quant au Maestro, il fut si intéressé dans le mouvement d'un tango qu'une fois le morceau fini, son bras entraîna encore sa baguette. Il voulait sans doute entendre à nouveau ce tango d'amour.


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